Le lézard vert des hauts et le lézard vert des bas sur l’île de la Réunion.
Rencontre avec Phelsuma Borbonica et Phelsuma Inexpectata. Deux petits geckos endémiques de l’île de La Réunion.
Première rencontre.
En ce mois de novembre 2013, nous sommes quatre amis randonneurs à gravir bon train, à plus de 1300 m d’altitude, un semblant de sentier en pleine forêt tropicale Réunionnaise. Soudain, Honoré qui ferme la marche nous interpelle : « au lieu de marcher comme des fadas, revenez plutôt voir ! » L’instant d’après, nous voilà en train d’observer avec intérêt un petit lézard juché sur un fruit de vacoa.
Le lézard vert des Hauts.
Ce gecko peut atteindre 16 cm chez les mâles. Les femelles se différencient par une taille légèrement inférieure et par des couleurs moins vives. On le trouve essentiellement de 300 à 1300 mètres d’altitude.
Bien que son milieu d’origine soit la forêt indigène humide, je l’ai souvent découvert en lisière de celle-ci. Alors, il occupe alors les espaces aménagés que sont les kiosques et les tables de pique-niques. Sans aucun doute, notre gecko devait assurément avoir une répartition bien plus étendue.
Localement, on le trouvait au niveau de la mer comme au-dessus de 2000 m d’altitude. Autrement dit, en dehors de sa zone de répartition actuelle.
Il existe sur l’île deux variétés de Phelsuma borbonica.
Phelsuma borbonica borbonica au contour des yeux jaune. La variété la plus largement représentée, on la trouve principalement au nord et à l’est de l’île
Phelsuma Borbonica mater au contour des yeux bleu turquoise. Elle est séparée de la première par l’enclos du volcan, qui donc, visiblement, représente un obstacle difficilement franchissable.
Hélas ! Au retour à mon arrivée à l’aéroport de Marseille, j’égare une petite sacoche dans laquelle se trouve la carte sd contenant la série de photos de Phelsuma borbonica mater.
Oeufs de Phelsuma borbonica déposés dans un kiosque de campagne.
Alors qu’un mâle de gecko vert de Bourbon, langue sortie, est occupé à séduire une femelle, celle-ci, malgré ma discrétion, m’a repéré et me surveille.
Alimentation des deux espèces :
Les deux espèces (P.borbonica et P inexpectata) ont à peu près les mêmes habitudes alimentaires : ils chassent les petits arthropodes et se délectent du nectar de fleurs de diverses essences d’arbres qu’ils contribuent ainsi à polliniser. Ils adorent également le jus et la pulpe des fruits. Les deux espèces de geckos, lèchent aussi différents supports à la recherche de sels minéraux.
Le lézard vert des Bas
Phelsuma inexpectata, un gecko très menacé.
D’une longueur maximale de 13 cm, cette espèce présente par ailleurs une très belle robe. Mâles et femelles restent plus difficiles à différencier.
Après avoir effectué des recherches infructueuses dans les zones les plus isolées et escarpées, je découvre finalement sur la dizaine de mètres d’une étroite bande plantée de quelques vacoas, prisonniers entre océan et villas, mes premiers geckos verts de Manapany. Comment ne pas prendre conscience alors de la menace importante qui pèse sur cette espèce quant à son avenir en milieu naturel ?
Les quelques populations isolées de ce petit gecko n’occupent plus qu’une étroite bande littorale de 11 km de long en partie urbanisée. La forêt de basse altitude adaptée au climat chaud et sec, dite forêt semi-xérophile, habitat naturel du gecko vert de Manapany n’hésite plus. Pourtant, cette forêt occupait à l’origine de vastes espaces dans tout l’ouest et le sud de l’île. De cette forêt originelle, il reste aujourd’hui moins de 1 % (Strasberg et al., 2005). Projet LIFE.
De nombreuses menaces pour nos deux geckos.
Dès le 17ᵉ siècle et avec une accélération au 18ᵉ siècle, sous l’impulsion de la Compagnie Française pour le commerce des Indes Orientales, l’abattage de la forêt primaire de l’île commence. Ainsi, les besoins en bois et en terre agricole réduisent comme peau de chagrin les habitats naturels de nos deux espèces de geckos.
Cependant, même si le relief difficile de certains secteurs a permis de préserver jusqu’à nos jours une forêt naturelle encore accueillante pour le gecko vert de Bourbon, il en va tout autrement pour le gecko vert de Manapany.
En effet, la quasi-totalité de son habitat naturel a d’abord été transformée en terre agricole avant d’être inexorablement gagnée par l’urbanisation.
L’introduction plus ou moins volontaire, dès la découverte de l’île, d’animaux exogènes pose également de nombreux problèmes. Les chats, comme partout ailleurs, mais aussi des reptiles.
L’Agame Arlequin Calotes versicolor est arrivé de l’île de Java par accident vers 1865 avec des boutures de canne à sucre. Depuis, cette espèce a colonisé de nombreux milieux et rentre, elle aussi, régulièrement en concurrence avec les deux espèces de geckos endémiques de l’île.
L’introduction accidentelle en 1994 du grand gecko vert Phelsuma grandis inquiète au plus haut point les défenseurs de nos deux espèces de geckos endémiques.
L’introduction accidentelle en 1994 du grand gecko vert Phelsuma grandis inquiète au plus haut point les défenseurs de nos deux espèces de geckos endémiques.
Bien que plusieurs espèces de reptiles aient été introduites plus ou moins volontairement sur l’île, c’est surtout le grand gecko vert de Madagascar : Phelsuma (madagascariensis) grandis qui inquiètent. Il a été identifié pour la première fois à la Réunion en 1994.
Enfin, comme si cela ne suffisait pas, bien d’autres dangers guettent nos deux geckos. Les risques d’empoisonnement par contact avec des produits phytosanitaires utilisés dans l’agriculture ou le jardinage ou avec des produits utilisés pour tuer les geckos, espèces introduites, qui vivent habituellement près et dans les maisons.
Le gecko de Manapany se trouvant maintenant dans des zones urbanisées, beaucoup de réunionnais ont adopté une charte de bonne conduite et n’utilisent pas de tels produits là où le gecko de Manapany est présent.
Les prélèvements et la destruction de ces deux espèces sont totalement interdits.
Pour en savoir plus:
Nature Océan Indien: Projet de conservation pour le gecko de Nanapany
La srepen association de protection de l’environnement à la réunion.
Je n’ai pas réussi à interpréter le comportement que j’ai trouvé singulier de ce gecko vert de Manapany: immobile sous la pluie, les doigts relevés. N’apprécie-t-il pas les gouttes d’eau ou au contraire est-il en extase ?